De tous les pays occidentaux, Israël est le seul où le 1er janvier n’est pas chômé et pas même vraiment fêté. Israël utilise pourtant bel et bien le calendrier grégorien ; le 1er janvier marque donc l’entrée dans une nouvelle année civile. Mais le calendrier des fêtes et des jours fériés en Israël est le calendrier hébraïque (les deux calendriers coexistent en vérité). Les Juifs d’Israël fêtent donc le nouvel an à Rosh Hashana, c’est-à-dire autour de septembre-octobre selon les années, et délaissent largement le nouvel an grégorien qui tend pourtant à devenir universel.
Il faut croire qu’en Israël, on tient une fois de plus à l’exception.
Le 1er janvier y est généralement appelé Sylvester, (c’est-à-dire Saint Sylvestre) et perçu par la plupart des Israéliens comme une fête chrétienne. Il est d’ailleurs reconnu comme tel par les autorités israéliennes et nommé « nouvel an chrétien ». Aussi le soldat chrétien par exemple, peut disposer, au sein de l’armée de défense d’Israël, d’un jour de congé considéré comme fête religieuse majeure, donc non compris dans les jours de vacances réguliers. De même sur un lieu de travail, l’employé est autorisé à bénéficier d’un jour de congé selon la législation en place, assez tolérante en matière de religions. Mais, perçu comme une fête chrétienne, le nouvel an est volontairement boudé par nombre de Juifs israéliens. D’autant qu’il correspond, selon le calendrier grégorien, et il n’y a pas si longtemps encore tous nos calendriers l’indiquaient, au jour symbolique de la circoncision (du Christ), 8 jours après sa naissance le 25 décembre, qui marque Noël. Par ailleurs la Saint Sylvestre se réfère également au pape Sylvestre 1er, mort un 31 décembre, pape de 314 à 335, le pape du Concile de Nicée de 325 et celui qui, on le suppose, aurait converti l’Empereur Constantin et changé la destinée de l’Eglise chrétienne puis catholique. D’une certaine façon c’est donc légitimement que les Israéliens approchent le jour de l’an comme une fête religieuse chrétienne, qui ne regarde donc pas les non-chrétiens. Et on ne peut évidemment pas nier sa racine chrétienne. Notons aussi qu’en cumulant la double référence, Jésus et le pape Sylvestre 1er, deux figures incontournables du christianisme, et compte tenu des relations complexes entretenues par l’Eglise avec le judaïsme au sujet de la personne de Jésus et au sein de l’Empire romain, l’accueil du 1er janvier comme fête majeure par les Juifs israéliens est plutôt timoré, voire franchement réticent.
Mais le jour de l’an connaît évidemment d’autres perceptions. Et les choses évoluent doucement sous l’influence des nouveaux immigrants. Pays fondé par des immigrants, Israël a connu même avant l’établissement de l’Etat, au sein d’une partie — minime — de la population laïque, une tendance à fêter le 1er janvier. Mais l’événement est resté depuis lors marginal. Il connaît ces dernières années un nouveau souffle sous l’influence des dernières vagues d’immigration des années 90 puis 2000 en provenance des anciennes républiques soviétiques d’abord, d’Amérique du Nord puis d’Europe. Car pour qui connaît la tradition festive du nouvel an dans ces régions, plus qu’une fête religieuse, le nouvel an c’est tout simplement le passage d’une année civile à une autre et donc l’occasion, aussi, de faire la fête. Sans aucune référence religieuse particulière, les nouveaux immigrants importent une vision laïque du Nouvel an qui ne manque pas d’étonner certains Israéliens. Le nouvel an en Israël n’est pas ou très peu fêté par des institutions publiques étatiques, régionales, municipales, qui restent muettes, mais fait l’objet de multiples initiatives privées. Aucun feu d’artifice, pas de bal public, pas de concert de rue, pas de lumières dans les rues (sauf si Hanoukka tombe à la même période), pas de représentation ou exposition municipale, mais des soirées à thèmes dans certains bars ou dans certaines discothèques. Ils auraient été 1,5 millions de personnes à fêter le nouvel an en 2007 (soit 22% de la population israélienne) et les dépenses liées à ce jour seraient en augmentation. Le caractère commercial en effet n’échappe pas à certaines marques ou certaines surfaces de vente qui comprennent l’intérêt d’une fête qui peut faire vendre et consommer. Certains quartiers fréquentés par des populations non juives relativement nombreuses, dans tout le pays, osent quelques décorations et souvent quelques sapins pour Noël. Mais quiconque s’attend à voir en Israël un nouvel an comparable aux villes d’Europe ou d’Amérique sera fort déçu, qu’on se le dise[1].
Cette année, le réveillon du nouvel an, comme celui de Noël, tombe un jeudi soir, en fin de semaine donc, on peut par conséquent s’attendre à un peu plus de monde dans les rues et sans doute plus de soirées privées à domicile ou plus de monde dans les clubs et bars.
Mais le 1er janvier, non chômé, restera cette année encore en Israël un jour presque comme les autres et la veillée jusqu’au petit matin restera difficile pour quiconque travaille le lendemain.
Misha Uzan
[1] Mon expérience personnelle est significative. L’an dernier par exemple, attablés à un café bar, nous sommes les seuls à avoir levés nos verres en l’honneur de la nouvelle année. Et malgré notre enthousiasme ostentatoire, personne n’osa nous suivre. Fêter le nouvel an le 1er janvier ne fait toujours pas partie des mœurs israéliennes.
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