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Alain Finkielkraut (dir.), L'interminable écriture de l'extermination


Alain Finkielkraut (dir.), L'interminable écriture de l'extermination, Paris : Stock, octobre 2010, Répliques

 

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Par Misha Uzan - L'article date à l'origine d'octobre 2011


Dans la collection Répliques, Alain Finkielkraut retranscrit par écrit les dialogues de son émission sur la radio France Culture. En 2006 il publiait Ce que peut la littérature (voir également son éloge à la littérature dans Un cœur intelligent, Paris : Stock/ Flammarion, septembre 2009), en 2007 Qu'est-ce que la France? et la même année La Querelle de l'école.


Dans L'interminable écriture de l'extermination sont rassemblées les principales émissions autour du nazisme et de la Shoah. Ce qui motive ce livre c'est l'omniprésence de la Shoah. En préface et en quatrième de couverture, Finkielkraut explique : "Une civilisation qui oublie son passé est condamnée à le revivre" a dit le philosophe américain George Santayana au début du XXe siècle, mais "voici que surgit, poursuit Finkielkraut, pour cette civilisation, un problème inattendu : non pas l'oubli du crime mais l'oubli de tout le reste. Hitler hante notre actualité, et du passé désormais personne d'autre, ou presque, ne surnage". Voilà que Finkielkraut s'interroge sur ce que nous avons-nous-même nommé le "shoaïsme" dans une étude sur les intellectuels français et Israël[1], et que Gilles William Goldnadel a appelé le "shoatisme"[2]plus général de la société.

 

Ouvrage collectif, il permet de faire un tour d'horizon des grandes sorties de livres, des grands débats, des grandes recherches de ces quinze dernières années dans tout ce qui tourne autour de la seconde guerre mondiale et ses suites. Finkielkraut et ses invités discutent des Bienveillantes de Jonathan Littell, d'Auschwitz, des bourreaux volontaires de Hiltler de Goldnagen ou des Hommes ordinaires de Browning, de Vichy et le passé qui ne passe pas avec Henry Rousso et Eric Conan ou encore d'Heidegger, de Carl Schmitt, de Jan Karski avec Yannick Haenel et Annette Wieviorka, de Sebastian Haffner, de Paul Celan ou tout simplement du siècle avec Alain Badiou. C'est en fait un excellent livre de révisions ou de découvertes pour un étudiant en sciences humaines en deuxième cycle.

 

Ouvrage de retranscription, il permet aussi d'alléger les discussions. Plutôt que de lourds textes posés, réfléchis, que ne comprennent que leurs auteurs, la discussion se lit plus facilement et se comprend mieux. On n'échappe pas néanmoins à quelques écueils. Il n'est pas toujours aisé de prendre position pour l'un ou l'autre des intervenants, pour un propos ou pour un autre si, par exemple, on n'a pas lu le livre dont il est question; et malgré les dialogues on nage parfois dans une philosophie pure assez complexe. Dans des discussions très générales sur de grands ordres d'idées, dans "Le siècle du mal" avec Myriam Revault d'Allonnes et Jean François Bouthors, ou dans "Penser le XXe siècle" avec Alain Badiou et Paul Thibaud, on a parfois l'impression que les intervenants parlent pour ne rien dire, ou qu'ils ne se comprennent pas vraiment. C'est particulièrement le cas dans des discussions hautement philosophiques sur le sens de termes, de notions forgées par des philosophes comme Schmitt ou Heidegger. Les différents spécialistes de l'auteur ne le comprennent pas eux-mêmes de la même façon, ils peinent à se faire comprendre par leur répondant … la discussion tourne en explication sans fin de ce qu'on entend par tel ou tel terme. Pour le lecteur, surtout si on n'est pas soi-même un spécialiste d'Heidegger, de Celan, de Schmitt, on a beau s'accrocher, il est difficile d'éviter l'ennui.

 

Heureusement le livre est divisé en articles, chaque discussion séparément, centrée sur un thème précis, et on peut passer à autre chose, ou tout simplement choisir ses thèmes favoris. Laisser un texte de côté, et le reprendre plus tard.

 

Finkielkraut accompagne ces débats avec recul et sagesse, tout en n'hésitant pas à contester les intervenants, à les pousser dans leurs retranchements ou à les faires réfléchir sur telle ou telle conception. De ce point de vue, le philosophe signe un autre livre savant qui livre un regard (des regards) passionnant(s), cultivé(s) et intelligent(s) sur notre monde.

 

Reproduction autorisée avec les mentions suivantes et le lien vers cet article :
© Misha Uzan pour http://mishauzan.over-blog.com



[1]Misha Uzan, Israël et les intellectuels français, de 1967 à 1982, in Controverses, février 2008 
[2]  Gille William Goldnadel, Les Martyrocrates, Dérives et impostures de l’idéologie victimaire, Paris : Plon, février 2004. Voir aussi notre article Shoah, shoah, shoah

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