Exclu par la communauté juive autour de l'an 1229 pour ses opinions hérétiques, il se convertit au christianisme et rejoint l'Ordre des franciscains.
En 1236, il se rend à Rome et réussit à convaincre le pape Grégoire IX que le Talmud tient des propos infâmants contre le christianisme.
Le Talmud, la base de l'étude juive, est composé de la Mishna (le recueil des lois orales mis par écrit au IIIème siècle), et de la Guemara (qui rassemble les commentaires et discussions rabbiniques sur la Michna, la Torah, les cinq livres de Moïse, qui représentent la Loi écrite, et d'autres sujets).
Selon l'historien Jeremy Cohen, la principale préoccupation de Nicolas Donin était que le Talmud avait commencé à remplacer la Bible pour les Juifs en devenant leur principal ouvrage de référence et d'étude, ce qui constituait un problème théologique pour
les chrétiens.
Pour Augustin (mort en 430), les Juifs avaient la responsabilité de faire respecter "l'Ancien Testament" de manière à fournir une preuve vivante de la vérité du Nouveau Testament offert par Jésus.
Si les Juifs donnaient désormais la priorité à la Loi orale, et se permettaient de réinterpréter la Bible, ils ne remplissaient plus leur rôle historique, et ne pouvaient plus être des candidats à la conversion; par conséquent, ils ne pouvaient plus prétendre à la protection de l'Eglise.
En 1239, le pape Grégoire édicte une bulle contenant une liste de trente-cinq arguments contre le Talmud compilée par Donin stipulant, entre autres, qu'il attaque les non-juifs et surtout blasphème Jésus et Marie.
Le pape adresse sa missive aux rois d'Espagne, d'Angleterre et du Portugal et leur ordonne de confisquer dans ces trois royaumes le Talmud le premier chabbat de Carême, c'est-à-dire le 3 mars 1240, alors que les Juifs sont en prière et de "brûler sur le bûcher ces livres dans lesquels vous trouverez des erreurs de ce genre".
Donin en personne se rend à Paris auprès du roi de France, Louis IX, plus connu sous le nom de Saint-Louis
Il semblerait que celui-ci soit le seul des monarques européens à avoir prêté l'oreille au discours papal.
Il décide d'organiser une "disputation", une discussion théologique entre ecclésiastiques et rabbins. D'un côté, l'évêque de Paris Guillaume d'Auvergne, l'inquisiteur Henri de Cologne, le chancelier de l'Université de Paris Eudes de Châteauroux et bien sûr Nicolas Donin.
De l'autre, un collège de rabbins mené par Rabbi Ye'hiel ben Joseph de Paris.
Le "procès du Talmud" a lieu à Vincennes entre mai et juin 1240.
Le tribunal, réuni après la disputation, rend sa sentence : sans surprise, le Talmud est jugé blasphématoire, "un livre ignoble qu'il convient d'incinérer".
Cela sera fait deux ans plus tard.
Entretemps, l'armée a pillé les communautés juives de Paris et des environs, et a réussi à rassembler quelques "vingt-quatre charretées" de traités talmudiques, de manuscrits en hébreu (dont certains probablement originaux), plusieurs d'entre eux vieux de plusieurs siècles.
En tout l'équivalent d'environ 12.000 volumes est solennellement brûlé en place de Grève (l'actuelle place de l'Hôtel-de-Ville).
À une époque où l'imprimerie est encore inconnue, c'est une perte inestimable pour le judaïsme européen qui porte, entre autres dégâts considérables, un coup fatal à l'École de Rachi et de ses disciples, fondée quelques 150 années auparavant.
Le pape Innocent IV, qui succède à Grégoire IX en 1243, jugera par la suite que le Talmud doit être corrigé plutôt que purement et simplement interdit et détruit, ce qui permet de censurer les passages jugés offensants et laisse la possibilité aux Juifs de continuer à étudier.
Rabbi Meir de Rothenburg, le Maharam, dit avoir été témoin de l'incendie.
Dans une lamentation, il décrit : "Mes larmes ont formé un fleuve qui a atteint le désert du Sinaï et les tombes de Moshe et Aharon. Y a-t-il un autre Torah pour remplacer la Torah que vous nous avez prise ?".
Étant donné la gravité du drame, le Beth-Din local décréta un jeûne régulier qui fut respecté jusqu'à la Révolution française.
Dans ce même Talmud, on trouve les paroles de l'un de ces Sages cités pour ses commentaires, Rabbi 'Hanina ben Dossa, qui a dit le jour de sa mort : "Je vois le parchemin qui brûle mais les lettres s'envolent" (Avoda Zara, 18 a).
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