Avraham B. Yehoshua, Le Responsable des ressources humaines, Paris : Calmann-Lévy, mai 2007, 279p., roman traduit par Sylvie Cohen, publié en hébreu dès 2004
Passion en trois actes. C’est le sous-titre de l’ouvrage. Chacun narre un processus différent, une situation, un moment, et aussi plus ou moins un lieu différent. Le premier, nommé ‘Le Responsable’ pose les lieux, le décor, l’univers du livre, et l’origine du drame qui fait toute l’histoire, un attentat à Jérusalem. Le second acte décrit la mission de ce Responsable des ressources humaines, envoyé jusque dans une ancienne république soviétique non nommée, devenu émissaire et représentant de la grande usine de fabrication de pain du pays, accompagnateur du cercueil de la défunte Julia Ragaïev, ancienne employée de l’usine et victime de l’attentat. Enfin le troisième acte est-il celui du voyage entrepris par la petite troupe de personnages qui participent de près à toute cette histoire : le responsable bien sûr, le journaliste dit la vipère et son photographe, le mari de la consule d’Israël et le fils de la défunte. Au final une belle histoire d’aventures partie de rien, ou presque.
Avraham B. Yehoshua, l’un des auteurs israéliens les plus connus dans le monde, réussit donc à nous plonger dans un nouveau récit, facile à lire, modeste par sa longueur et par ses ambitions. Autant le dire tout de suite, on ne trouvera pas là un chef d’œuvre de la littérature, ni même franchement le meilleur livre de l’auteur, mais simplement un livre charmant, agréable, balancé entre la dure réalité, l’évasion, la réflexion.
L’histoire est donc celle d’une jeune femme, d’une grande beauté aux relents « tatares » nous dit-on, qui trouve la mort lors d’un attentat à Jérusalem. Mais sans famille et amis dans le pays, personne ne viendra la chercher à la morgue. Ce n’est que l’article plutôt accusateur d’un journal local qui poussera l’entreprise qui l’engageait un mois avant sa mort, et qui n’avait nulle connaissance de cette dernière, à entreprendre des recherches. C’est dès lors que la passion du Responsable des ressources humaines pour cette morte, dont il ne se rappelait même pas l’avoir engagée commence.
Et derrière cette histoire se profile aussi une réalité israélienne des années 2000. L’histoire d’une immigrante seule, délaissée par une famille dénuée d’intérêt pour ce pays « dangereux », et délaissée jusqu’à sa mort par son pays d’accueil où elle ne trouve en vérité que la mort. L’histoire d’une industrie israélienne à qui la crise profite. L’histoire d’un journaliste à l’affut du scoop et du manque d’humanité des autres, mais peu soucieux du sien. Et l’histoire d’un Responsable, divorcé, qui voit rarement sa fille et qui le vendredi soir fait la tournée des bars à la recherche d’une nouvelle compagne.
Bref Avraham Yehoshua nous plonge encore une fois dans deux mondes.
D’une part celui de la littérature dans laquelle il s’exerce à nouveau à quelques jeux littéraires. Dans L’Amant par exemple en 1977, il présentait la même action sous l’œil de différents personnages, ici le lecteur découvre à plusieurs reprises un autre narrateur, différent en fonction du lieu et de la situation, pas toujours reconnaissable, sur de très courts passages. On pourrait presque croire que l’auteur s’amuse à inventer quelques trucs à chaque ouvrage afin de troubler la vision du lecteur. Mais tant que c’est réussi, on ne s’en lasse pas.
D’autre part l’auteur nous présente un aspect d’Israël, encore un autre, et un aspect du monde juif, en rapport le second avec le premier. Toute l’histoire tout comme la fin laisse assez perplexe. J’aurais tendance à conclure que face à la tragédie de l’histoire, les personnages s’amusent, et face à la mort, ils s’aventurent. La fin irait dans le même sens, rien n’est fini, mais on continue.
Je vous laisse découvrir le pourquoi de mon propos.
Publié en juin 2009 sur Le Blog-notes de Misha Uzan
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